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Rencontre avec Franck Micheletti

Nous développons en relation à la ville, à son urbanité, à son tissu social, des formes spécifiques et appropriées...
Comment est née la Cie Kubilai Khan investigations ?
Fondée avec Cynthia Phung-ngoc, Ivan Mathis et Laurent Letourneur, nous avons démarré à l’été 1996 et depuis 20 ans le cap n’a pas changé : nous sommes liés à des thématiques sur l’étendue du monde. La compagnie KKi a un côté très cosmopolite. Nous travaillons et créons nos projets en Asie, en Afrique, en Amérique latine… Alors oui c’est très excitant de voyager mais surtout ça ressource le projet, ça le construit, le nourrit, lui donne de la profondeur de champ.
Pouvez-vous présenter brièvement votre parcours?
Mon parcours professionnel, je vous le livre à travers une anecdote. Je me destinais à être acteur. Pour payer mes études de théâtre, j’ai été chauffeur dans les années 1980 à Châteauvallon pendant le festival de danse. Je n’avais pas d’affinité particulière avec la danse jusque-là. C'est en conduisant les danseurs, les chorégraphes et en voyant les spectacles que j’ai trouvé une proximité, une sensibilité qui m’attirait et j’ai été littéralement aimanté. J’avais 23-24 ans. Cette histoire m’a vraiment réorienté vers la danse.
On dit pourtant qu’il faut commencer jeune ?...Il y a des trajectoires qui contredisent cela.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Nous développons en relation à la ville, à son urbanité, à son tissu social, des formes spécifiques et appropriées…
Pour commencer, il existe toujours un lien au lieu : je pense qu’il est très important de considérer nos présences dans ce qui nous entoure. En villes, ce qui est intéressant c’est que souvent on ne voit que les défauts mais on ne sait plus en voir les qualités. La ville est un centre de ressources profondes, un accélérateur de particules, à l’intersection de tous les possibles.
Mais la ville est aussi un lieu de rencontres, un horizon de potentialités. Les densités de population posent la question des publics, de comment vivre ensemble, des diversités, des mondes qui se côtoient ou ne se côtoient pas. Ces « atmosphères » sont pour moi des axes de réflexions.
Pouvez-vous nous présenter l’œuvre no.W.here et les thèmes abordés ?
Je voulais aborder le rapport au masculin/féminin auquel nous renvoie la société.
Au-delà, les identités peuvent « voyager », elles ne sont pas définitivement figées.
En principe, on associe la femme à des représentations, à certains registres et des codes.
Par exemple dans ce duo, il y a des moments où on se rend compte que les deux danseuses ont des physicalités très fortes, s’engagent dans des choses qui ne sont pas du tout les codes du féminin habituel. Cela peut troubler certaines personnes et en même temps ça leur va très bien…
Dans le spectacle, il y a par moments des proximités que j’ai voulues, où on ne comprend pas bien la relation entre ces deux femmes.
Je pense que mon travail, justement, est de mettre du trouble dans les perceptions et de faire que les spectateurs projettent beaucoup de choses et qu’ils laissent leur imaginaire divaguer en dehors des clous.
J’ai voulu les amener à s’interroger sur toutes les catégories de relations. C’est donner de l’imaginaire au corps, lui donner plus de place en dehors des conventions.
Ce que j’ai essayé de faire avec ce faux duo (puisqu’il s’agit de deux musiciens et deux danseuses), c’est d’aller voir toute la puissance de transformation, tout ce qui existe comme capacité à faire bouger nos identités.
Quelles sont les particularités de la représentation ?
Envisagé comme un diptyque avec Your ghost is not enough (2014), premier volet dont le thème traitait aussi de l’intensité de nos corps, j’ai encré no.W.here dans la nécessaire et vitale incarnation et matérialité de nos corps.
La musique, appuyée par un travail vidéographique de Jean-Loup Faurat, offre des perspectives aux énergies physiques pour outrepasser leur enveloppe corporelle.
La performance cristallise une polyvalence des langages artistiques, en jeu d’ondes physiques, sonores et imagées, comme la nuance infinie de la mer toujours changeante.
Un mot sur votre résidence de création au Théâtre Liberté ?
Nous développons depuis 2013 une collaboration avec le Liberté, avec qui nous partageons une sensibilité pour les nouvelles scènes et les nouveaux terrains de jeu pour la création.
Pour la création 2016 no.W.here nous avons pu profiter d'un temps de résidence dans la petite salle, ce qui nous a permis de travailler la proximité.
Le Théâtre Liberté, avec d’autres partenaires, nous a coproduit et a rendu possible l’existence et la circulation de la pièce, que nous projetons d’aller montrer au Japon.
Quel souvenir gardez-vous de votre premier spectacle en tant que chorégraphe?
Je vais répondre à l’envers. À l’occasion de ma dernière expérience de spectacle au Brésil, avec les indiens d’Amazonie, nous avons fait une performance dans le Mémorial des peuples indigènes à Brasilia avec les danseurs de ma compagnie et 2 chefs indiens accompagnés de leurs instruments de musiques et la voix.
Il y a eu « un échange de monde ». Je fais ce métier parce que je crois qu’il n’y a pas qu’un seul monde mais qu’il y a des mondes. Si on voulait suivre les chemins, on pourrait y avoir accès… Mais ça arrange le système de dire qu’il n’y a qu’un seul monde.
Quand on fait cette expérience avec des indiens qui vous font l’honneur de vous faire rentrer sur leur territoire, leur lieu, leur réserve qui est sanctifiée, et qui accordent un véritable sens à la parole, alors on comprend les équilibres et les harmonies. On partage avec eux les vibrations et je peux vous assurer que ça donne des frissons. Sur l’essentiel, on s’est compris.
On avait ces langues communes que sont la musique et la danse.
Rendez-vous au Théâtre Liberté les 17,18 et 19 janvier à 20h
Actualité de la Cie KKi :
OUT OF THE BOXE 2-3 au Théâtre Liberté en mars – Collaboration entre des élèves du Conservatoire TPM et de l’ESDATPM et la cie KKi
OUT OF THE BOXE 3-3 au Théâtre Liberté en mai - Collaboration entre des élèves du Conservatoire TPM et de l’ESDATPM et la cie KKi
Pour plus d’info cf. www.conservatoire-tpm.fr