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Les scène nationales Châteauvallon et théâtre Liberté - entretien avec les codirectrices

Cette ambition est la nôtre depuis l’origine et grâce au label nous avons impliqué la création d’une association chapeau regroupant les 2 entités sous le nom d’Union Châteauvallon - Théâtre Liberté.
Pouvez-vous chacune vous présenter brièvement ?
Natalie Anton : Auparavant, je travaillais au Théâtre de la Criée à Marseille. J’ai fait la rencontre de Christian Tamet, nommé directeur du CNCDC1 Châteauvallon en 1998 qui travaillait au renouveau et à la renaissance de cette structure. Séduite par ce projet, j’ai rejoint l’équipe et ai été nommée, directrice des relations publiques, j’ai accompagné un projet de démocratisation culturelle pour ouvrir le lieu à un plus large public. Je suis maintenant la directrice adjointe du CNCDC Châteauvallon depuis juin 1999, et élue du SYNDEAC2.
Pascale Boeglin Rodier : J’ai commencé en étant administratrice du Théâtre national de Chaillot, puis de l’Opéra-Comique à Paris. J’ai également fait un passage dans la production cinématographique auprès de Daniel Toscan du Plantier3. Je suis arrivée à Toulon dès la naissance du projet, lorsque Charles et Philippe Berling ont été désignés par le Ministre de la culture et le Maire de Toulon pour diriger le Théâtre. J’étais à l’époque directrice générale, et notre projet était de faire de ce lieu un théâtre de création. Le but était qu’il soit tourné vers la Méditerranée, avec un rayonnement national et un ancrage tout aussi fort dans son territoire, notamment par le développement d’actions culturelles originales. Maintenant je suis codirectrice du Théâtre Liberté, fonction que je partage avec Charles Berling.
Qu’est-ce que le label scène nationale et qu’est-ce que cela apporte aux spectateurs de l’agglomération ?
Natalie Anton : Le label est une mise aux normes et celui de la Scène Nationale permet de bénéficier de 500 000 euros de subventions de l’État. En contrepartie, il y a des obligations, des évaluations et la constitution d’un contrat d’objectif. Nous sommes rentrés aujourd’hui dans un cadre un peu différent mais concrètement cela ne change pas le quotidien. Cette ambition est la nôtre depuis l’origine et grâce au label nous avons impliqué la création d’une association chapeau regroupant les 2 entités sous le nom d’Union Châteauvallon - Théâtre Liberté. Par ailleurs, si effectivement le label permet un certain niveau de subventions publiques, cela nous permet également de proposer des tarifs préférentiels, permettant d’ouvrir nos portes plus largement vers tous les publics. La pratique de tarifs accessibles est une obligation, cela fait partie des critères4 d’obtention du label Scène Nationale. La notion de mission de théâtre public est une idée importante à mettre en avant.
Pascale Boeglin Rodier : Le label de Scène Nationale s’obtient selon plusieurs critères, artistiques, financiers et qualitatifs en fonction du public, et aussi par rapport aux actions culturelles, aux artistes programmés, et aux équilibres financiers. Ce label récompense notre travail des 5 dernières années. Malgré l’obtention du label Scène Nationale, c’est principalement grâce au soutien de TPM et du département que nous pouvons maintenir la qualité de nos programmes. Pour les spectateurs, le label apporte en quelque sorte une garantie de pérennité de la qualité des spectacles proposés, et il offre en outre une assise nationale. Le public est donc ravi d’avoir sur le territoire un lieu culturel de cette qualité. Le Théâtre Liberté a changé leur rapport à ce territoire, ils en retirent une certaine fierté concernant notre tarification, cela correspond à notre philosophie de permettre à un plus grand nombre de venir au Théâtre Liberté et nous proposons différentes formules très accessibles, voire même la gratuité avec « le billet suspendu5 ».
Comment avez-vous travaillé à la conception d’une scène nationale à 2 équipements ?
Natalie Anton : Notre idée depuis le début est d’être complémentaire et dès le départ, nous avons fait une richesse de notre différence. Cela n’a de sens que si l’on reste dans nos identités respectives, afin d’ouvrir plus largement cette offre culturelle. Vis-à-vis des offres commerciales, à Châteauvallon, nous n’avions aucun système d’abonnement. Le label a permis d’être abonné au Théâtre Liberté et d’avoir une carte Châteauvallon, renforçant la circulation des publics entre les 2 structures. Quant au travail réalisé dans le cadre de la politique de la ville et tout ce qui concerne les actions culturelles, nous avons découpé le territoire pour une répartition efficace.
Pascale Boeglin Rodier : Nous avons deux regards différents. Chacun de nous travaille avec des familles d’artistes avec lesquelles nous avons des fidélités, tout cela est très précieux. Nous n’étions pas favorables à une fusion entre les deux lieux. En revanche, nous travaillons depuis cinq ans à des pistes de rapprochement et de collaboration. Tout le monde y trouve un intérêt, les artistes, le public et même pour l’équipe ; c’est toujours plus intéressant de construire des projets communs. Nous avons mis certaines choses en place : une invitation réciproque à nos présentations de saison; une harmonisation de notre communication en faisant appel au même graphiste, ce qui permet une sorte de « cousinage » tout en conservant chacun notre identité visuelle. Nous avons également harmonisé nos tarifs pour ne pas être sur un champ concurrentiel. De plus nos sites sont complémentaires : le Théâtre Liberté dispose de 3 salles, une salle de 700 places, une de 125 places modulables et une salle de cinéma, et Châteauvallon, d’un théâtre couvert de 405 places modulable et d’un amphithéâtre de 1167 places, ainsi que le Grand studio de 90 places. À nous deux, nous disposons de tous les formats de salles pour tous types de spectacles.
Qu’est-ce que cela va changer dans la programmation des équipements, dans le fonctionnement ?
Natalie Anton : Concrètement pour la saison à venir, on a décidé de faire une 1ère expérience avec un spectacle programmé au Théâtre Liberté, dont Châteauvallon achètera une représentation afin d’y emmener notre public. Les artistes répondent à nos invitations mais ce n’est pas cela qui déclenche leur venue. C’est vraiment une question de familles d’artistes, d’affinités de projets qui préexistent. Puis nous allons de fait être admis à l’association des scènes nationales6. Cela permettra peut-être des échanges avec d’autres collègues, et des rencontres aussi avec d’autres familles d’artistes, notamment à l’étranger.
Pascale Boeglin Rodier : Cela nous incite à imaginer des projets communs. En revanche, au niveau de la programmation, rien ne change car nous avions déjà cette même ligne directrice auparavant, et parallèlement à cela, le Théâtre Liberté achètera une représentation d’un spectacle qui se déroulera à Châteauvallon, un spectacle qui fera ainsi partie intégrante de notre programmation. Même si nous étions déjà dans une dynamique de collaboration, je pense que ce label et le fait qu’ait été créée une association chapeau « Union Liberté-Châteauvallon », présidée par l’Amiral Tainguy, apporte une impulsion nouvelle. D’ailleurs si on a imaginé cet échange de public pour la saison prochaine, c’est en réaction à l’obtention de ce label.
Avez-vous envie de nous livrer quelque chose qui vous tient à cœur ?
Natalie Anton : La chose qui me tient à cœur, c’est le public ! Je pense que nous ne pourrons véritablement considérer que « cette opération » est un succès qu’à partir du moment où nous arriverons à créer cette circulation du public. Du point de vue de Châteauvallon, c’est un réel atout de trouver un point de chute en ville. Ces deux lieux sont des richesses pour le territoire, tout à fait complémentaires pour le public. Décloisonner, je trouve que c’est une chose intéressante qui est en cours, mais sur laquelle nous pouvons encore progresser et également noter le caractère atypique et innovant de cette proposition. En effet en général, les personnes nommées à la tête des scènes nationales6 ne sont pas des artistes, ce sont des administrateurs. Par ailleurs, je ne connais pas de cas où l’on a créé une association portant un label qui englobe deux autres associations.
Pascale Boeglin Rodier : Que le label favorise la circulation des artistes ! Grâce à la complémentarité des outils, puisque Châteauvallon dispose d’un lieu pour accueillir les artistes en résidence, pourquoi ne pas imaginer, comme on a imaginé le parcours du spectateur, un parcours d’artistes ? Le Théâtre Liberté est un théâtre de création, les artistes pourraient être accueillis à Châteauvallon le temps de la création. On peut dire que nous lançons un prototype de Scène Nationale bicéphale.
(1) CNCDC : Centre National de Création et de Diffusion Culturelle
(2) SYNDEAC : Syndicat des entreprises artistiques et culturelles
(3) d’où le nom d’une salle du Théâtre donné en son hommage.
(4) la subvention est d’ailleurs appelée « subvention complément de prix ».
(5) processus de don qui permet à des personnes défavorisées d’assister à un spectacle gratuitement.
(6) association qui regroupe l’ensemble des scènes nationales du territoire français.