Alain Fromager a été l'un des premiers comédiens à fouler les planches du Théâtre Liberté en 2011. Il incarnait le rôle principal dans "L'art de la comédie" d'Eduardo De Filippo, la pièce qui a ouvert la première saison du théâtre dirigé par Charles et Philippe Berling. Si vous avez vu cette comédie, vous ne pouvez oublier l'énergie du Préfet incarné par un lumineux Alain Fromager. C'est dans un tout autre registre qu'il revient deux ans plus tard habiter la salle Fanny Ardant dans ce même théâtre pour "Dreck"; il est Sad, un clandestin irakien qui vend des roses pour survivre en Allemagne. Tout au long d'un monologue bouleversant, Sad fait siens les arguments de son bourreau et le spectateur est poussé dans ses retranchements.  En 1997, c'est Alain qui fait découvrir le texte de Robert Schneider à son ami Charles Berling qui décide de le mettre en scène au Théâtre national de Strasbourg. En 2013, "Dreck" est présenté pour la première fois au Liberté. Moins de deux ans plus tard, les 10 et 11 février 2015, Alain est de retour à Toulon pour lancer la tournée de Dreck. Nous l'avons rencontré entre deux répétitions. 

Sad est passionné par la langue allemande, la littérature, la philosophie, Goethe. Il traverse la moitié du monde pour rejoindre ce pays qu'il idéalise. De par sa situation sur place il découvre le racisme, essaie de comprendre pourquoi les "gens à la peau claire" pensent cela et finit par assimiler ce discours jusqu'à le défendre. Est-il ironique? Provocateur? Désespéré? C'est ce que le spectateur tente de deviner durant cette pièce. 

Alain Fromager qui incarne ce personnage tient le public en haleine. "Ce n'est pas si simple, il a un côté insupportable" confie le comédien, "le malaise vient du fait que Sad épouse les thèses xénophobes et racistes. Le travail d'interprétation fait avec Charles est important. Cette thèse ne peut être entendue que parce que le personnage parle d'un endroit de désespoir". La mise en scène a volontairement été raccourcie : "Il ne fait pas de phrase lorsqu'il parle,  il a un temps donné pour dire ce qu'il a à dire, il est en situation d'urgence et dit l'insoutenable" poursuit Alain. "Nous ne vivrons jamais en paix les uns avec les autres" affirme Sad. Le spectateur est bousculé et forcé de s'interroger. Pour Alain, "il y avait une nécessité impérieuse de faire entendre ce texte". Il a d'ailleurs rencontré des élèves de Seconde du lycée Bonaparte ce jeudi dans le cadre d'un projet "Théâtre et citoyenneté".

"Au delà de l'interprétation, c'est l'écriture qui modifie l'homme" nous confie Alain. Incarner Sad est assez physique. Une heure d'un monologue haletant, où la colère contenue finit par s'exprimer. Le comédien compare le théâtre à un marathon : "cela demande de la rigueur, de l'entraînement, de la constance". Et il sait de quoi il parle. En avril il participera à son 3^ème Marathon des sables : une course de 250 kilomètres en auto suffisance alimentaire dans le désert marocain; pour amener son corps et son esprit "dans des endroits méconnus". Avant de repartir sur les planches. Il a récemment tourné dans un long métrage de Benoit Graffin "Imagine" avec Sandrine Kiberlain et Edouard Baer, participé à un feuilleton radiophonique diffusé sur France Culture "Taxi maboule" mais le théâtre représente 80% de son activité. Lui et Charles vont continuer à travailler ensemble, mais il est trop tôt pour en parler. En attendant, les 10 et 11 février, il est Sad. A ne pas manquer. 

"Dreck" de Robert Schneider, une création Théâtre Liberté, mise en scène par Charles Berling avec Alain Fromager. Mardi 10 et mercredi 11 février à 20h au Théâtre Liberté à Toulon et en tournée à Antibes, Avignon, Cachan, Aix-en-Provence et Marseille.